Nom d'usage

Le thème que je vais aborder dans cet article n'est pas vraiment une expérience sociologique quoi que cela puisse le devenir en cas de choix défaillant. L'une des caractéristiques principales d'un individu, l'un des traits qui le définit le mieux est sans aucun doute son identité. Bien souvent on ne choisit pas son nom de famille — tout comme sa famille d'ailleurs — même si dans certains cas, une démarche est possible pour ne plus s'appeler Connard ou Nichon. Mais le prénom reste la plupart du nom définitif, même si le recours à des surnoms peut vous permettre de sauver la face.

En conséquence, il incombe aux futurs parents de trouver un parent "correct". Dans cette épreuve cruciale pour la vie de l'enfant, ils sont souvent aidés par des magazines et des publications comme le désormais célèbre "Classement annuel des prénoms". Ce palmarès qui revient tous les ans au mois de septembre, un peu comme la liste des fournitures scolaires, s'accompagne d'articles de journaux, d'émissions de radio, de chroniques à la télé et, en l'occurrence, d'articles ô combien inspirés sur des blogs ô combien pertinents...

Ce classement est en quelque sorte un miroir de la société, tout comme le prénom est le reflet d'une personne. Comme tout reflet peut être subjectif, on s'imagine tous, en s'appuyant sur notre propre vécu, les personnalités découlant des prénoms. Ainsi j'ai toujours vu les Brigitte et les Gilberte comme des femmes autoritaires, voire acariâtre ; les Arthur et les Yann comme des trouble-fêtes intégrés en milieu scolaire ; ou les Clara et les Fanny comme des bimbos genre "reine du bal de fin d'année".

Par contre, une nouvelle mode fait fureur depuis une dizaine d'années : celle de prénoms à la con. Petits, on connaissait tous des camarades de classe qu'on chariait à cause de leur prénoms rétrogrades genre Jacques, Astrid, Ségolène ou Hadrien. Maintenant je met à leur place et je me dis que ça craignait, d'autant que ces noms — moches, j'en conviens — n'étaient pas si nuls que ça. Là où on risque de se marrer, c'est dans 10-15 ans quand les enfants nés entre les années 90 et 2000 vont se faire connaître. Avec le flot de séries américaines, plein de parents se croyant subitement inspirés ont eu l'idée d'appeler leurs marmots Brenda, Brian, Dylan ou Kelly. Franchement, c'est pas leur rendre service : imaginez-les à un entretien d'embauche genre "Bonjour, Kelly Tinéraire, Bac+3, trilingue...", là le patron se fend la poire en entendant ça.

Evidemment, je grossis le trait, mais il n'empêche que le choix du prénom est crucial pour l'individu. Ils ont même pondu un film où Patrick Bruel joue le rôle d'un Juif futur papa qui choisit d'appeler son fils Adolphe. De là découle tout un quiproquo et bla bla bla. Mais ce genre d'amalgame n'a pas empêché des parents d'appeler leur fils Mao... Moi aussi je connais des gens qui s'appelle Joseph et qui n'ont rien à voir avec Staline, mais faut avouez que c'est assez tendancieux.

Après le plus marrant, c'est quand ceux qui ont souffert dans les années 80-90 d'un prénom issu de "Beverly Hills" perpétuent cette tradition en affligeant leur enfant innocent de pareils prénoms. Ainsi les Brandon, Jenny et autres Stacy ont trouvé l'âme soeur et ont baptisé leur progéniture Alicia, Chirley ou Athena-Cherokee. Y'a pas de raison qu'ils soient les seuls à en chier, après tout...

Enfin, le prénom peut aussi être une marque d'appartenance sociale ou spatiale. Je ne parle pas des enfants baptisés Marco ou Amadou pour honorer des aïeux italiens ou maliens. Là où le bas blesse, c'est les parents de Versailles qui resortent des prénoms des Grandes Heures du duc du Berry pour faire un big up à la royauté française...

Bonus : si vous avez du temps à perdre, faites donc un tour sur http://liguedesofficiersdetatcivil.tumblr.com et poilez-vous un bon coup !